Paris-Move – Alain BETTON – Février 2021

Mr HARDEARLY – Mean Blues

Rebel Music / Socadisc

BLUES

 

Vous savez, le blues existe depuis le premier jour. Le soir, quand le soleil commence à descendre à l’ouest et que l’on n’entend plus un bruit, une voix s’élève du fond du trou, pour dire: ” On va r’tourner trimer. L’patron, il n’est pas méchant, le camp ça va, mais la marmite elle n’est pas propre”. Cet homme là, il a le blues et il vous le fait savoir.
Pour moi, la musique blanche ou la musique noire, ça n’existe pas. Quand on met les notes sur le papier, qu’est-ce que l’on a?
On a du noir et on a du blanc. Ensemble, Noirs et Blancs font la musique la plus formidable que le monde ait jamais connu, et ça s’appelle le blues.
Le blues est né noir, mais il ne l’est plus. Le blues appartient au monde entier! La musique de blues aujourd’hui fait partie de tous. Elle fait partie de votre âme.
Quand vous réussissez à comprendre ce qu’est vraiment cette musique, elle s’insinue au plus profond de vous, si vous avez quelque chose dans le ventre.
Ce que nous appelons le blues, ce sont les racines, le fondement de tout le reste de la musique.
Rufus Thomas (1917-2001)

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Est-il nécessaire aujourd’hui de vous présenter Mr Hardearly? Je ne pense pas, car ce dernier, désormais bien connu, fait partie de nos ‘Guitar Hero’ de l’hexagone.
Pour ceux qui peut-être ne le connaissent pas encore, levez le doigt, vous les derniers au fond de la classe, découvrez ICI cette interview qu’il nous avait accordée pour Paris Move en juin 2018 pour la sortie de son précédent album I’m a Bluesman.
Mr Hardearly ne renie pas ses mentors, Johnny Winter, Gary Moore, Jimi Hendrix, S.R. Vaughan et consorts. Sans prétention, de sa touche personnelle, savamment griffée d’un blues urbain, il apporte sa contribution à l’édifice de cette musique dite du diable. Sans aucune fausse note, Mean Blues, ce cinquième album studio, est un antidote bleuté ponctué d’une palette de couleurs irisées, remède pour combattre la morosité ambiante. Nul besoin de passeport pour arriver à bon port, cet album est une invitation pour l’évasion. Une envie de liberté dans ce monde actuellement confiné. Avec Mean Blues laissez-vous emporter bien au delà de nos frontières pour un voyage intemporel sur les routes irréelles d’un rêve éveillé, bercés ou transcendés au gré de 12 compositions et de 2 adaptations de reprises.


‘White Flag’, ce premier titre instrumental, ouvre les festivités de cet opus endiablé, majoritairement joué avec cinq Stratocaster des années 70. (Parmi les 20 guitares en sa possession, Mr Hardearly a dû faire un choix judicieux, ce qui n’était peut-être pas évident…). Sans suivre l’ordre établi des titres de l’album, l’intitulé ‘Mean Blues’ est un clin d’oeil, un hommage à Johnny Winter pour son ‘Mean Town Blues’. Titre que Johnny Winter avait joué d’ailleurs lors d’une de ses dernières tournées, en 2012, concert auquel Mr Hardearly et moi-même avions assisté, ceci dit pour l’anecdote. Ce ‘Mean Blues’ est décliné en deux versions. La première, électrique, avec une Strato de 1966 qui se lâche totalement sous l’emprise du bottleneck rageur, méchant, elle se dédouble pour converser avec elle même comme si elle pactisait avec le diable. La deuxième version, en acoustique, jouée avec une guitare Martin, n’en est pas moins jouissive, intuitive, à l’unisson elle vous colle le frisson.


Les thèmes abordés dans les textes de Mean Blues, en anglais, sont pour certains engagés et brûlants d’actualité. Ce titre, ‘Stone in my shoe’, composé lors du premier confinement, est une lettre au président.
Hey President You think you’re heaven sent
Things will be different with a new government
You’re like a stone in my shoe and I’m done with you.


Voici la vidéo de ce titre, délires complices avec quelques uns de ses amis musiciens qui, comme lui, étaient dans l’impossibilité de jouer, confinés chez eux.

 

 

Dans son registre habituel dans lequel il excelle, le sieur Hardearly nous gratifie de quelques pépites blues-Rock nuancées et cadencées:
– ‘What the hell is going on’, interrogation sur le confinement.
– ‘Ready to fall’, ‘I’m on to you’, tranches de vie sur les relations humaines dans laquelle un jour chacun peut se reconnaitre.
– ‘Tell me’, la perte d’un ami, le suicide.


Fidèle à cette formule du trio qu’il affectionne, il laisse la part belle à ses musiciens, Jean-Philippe Bernaux à la basse et Frédéric Turban à la batterie. Touché par la grâce ou ensorcelé par ces mains noires qui jadis ont écrit l’histoire, je ne saurais dire, lorsque Mr Hardearly se lâche totalement sur un blues lent comme ‘Mistreated’, dénonçant la maltraitance des femmes, c’est l’extase. Il faut être de marbre pour rester insensible. En pleurs, la Strato de 1966 compatit de quelques accords sensibles et émotifs et de riffs acérés d’animosité.
‘I’ve been mistreated, I’ve been abused. Somebody rape me, not been accused. You’d better listen, to my advice. I’ve been mistreated, and lost my life’.


Lorsque ‘Gloomy Sunday’, chanson émouvante de Serge Gainsbourg sur le thème d’une séparation amoureuse inspire Mr Hardearly, ce dernier en fait une composition, ‘Open Wide’. Sa voix se fait langoureuse, complice et bluesy, la six cordes monte crescendo et se la joue envoûtante.
Aint’ the life that I chose but the way that I lose is mine.
On the day I’ll be cold my eyes still open wide.


Cheveux au vent, vous suivez ces ‘Two riders’ sous un ciel sombre et tourmenté. A train d’enfer, les riffs acérés s’accélèrent et vous mènent, accompagnés de Greg Deletang au saxophone, en direction de la Louisiane. “We are two riders, like two brothers. We are two riders in the storm.”
Sur ‘Same old flow’, les riffs de la Gibson Les Paul se font brûlants, rageurs et tourmentés lorsque se posent les questions sur le bilan d’une vie. Et comme dans ses précédents albums, deux adaptations de reprises sont souvent présentes. Il en est de même dans cet opus. Un blues, bien sûr, comme il se doit, ‘Blue mood’ de T-Bone Walker, joué avec une extrême sensibilité acoustique, accompagné de Sylvain Designe à la batterie. Egalement ‘When a blind man cries’, de Deep Purple, dont cette version également acoustique est à la fois étonnante et émotionnelle. Ces deux titres sont joués avec cette guitare Martin déjà citée, domptée par les mains du bluesman hors pair, tout en sublimant l’éclat argent de ses bagues amérindiennes.
Cet album Mean Blues est incontournable. Il fait partie de ceux pour qui le temps qui passe ne compte pas, car c’est un intemporel du blues, et le restera.


Amis lecteurs de Paris Move, la sortie officielle de cet album Mean Blues est prévue pour le mois d’avril, situation actuelle oblige. Néanmoins, vous pouvez vous le procurer directement sur le site officiel de Mr Hardearly, dans la rubrique ‘Boutique’, alors n’hésitez pas, c’est ICI
4 titres sont proposés en écoute sur cette page: ICI
Rendez-vous également sur sa page Facebook, ICI

Alain AJ-Blues
Rédacteur en chef adjoint – Paris-Move

PARIS-MOVE, January 30th 2021

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Message personnel:
Please, Mr Hardearly, please.
Nous attendons avec impatience de ta part un album de blues acoustique. Nous en avons déjà discuté ensemble. Tu vois, le truc voix, guitare, harmo, simple et épuré qui transpire la sueur du labeur dans les champs de coton. Nous serions heureux de te retrouver quelque part, sur les rives du Mississipi ou ailleurs, sous quelques lambeaux de nuages cotonneux. Soit autour d’un feu de camp sous un ciel étoilé, soit autour d’une grande table et de quelques chaises bancales pour un repas frugal. Nous ne sommes pas fiers, on s’en fout si la marmite n’est pas propre. Je ne peux pas te promettre la présence de Robert Johnson, par contre tu es assuré de celle de Blind Lemon Jefferson. L’impératrice du blues, Bessie Smith, accompagnée de Big Mama Thornton, viendra dans sa vieille Packard au châssis en bois. Charley Patton promet de ne pas boire comme un trou ni de courir les filles. Bon, ce n’est qu’une promesse, tu le connais… Avec Sonny Boy Williamson I et Howlin Wolf, tu dois t’en douter, la fête du ruine-babines est assurée.
Te rends tu compte, tu vas partager tes riffs avec Big Bill Broonzy et Big Joe Williams. Je viens tout juste d’avoir l’accord de chacun deux. Veinard!
Please, Mr Hardearly, please.
Que les démons du blues t’accompagnent, et que notre souhait devienne réalité. Vivement la sortie de cet album blues acoustique!
(Alain AJ-Blues)

 

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